Tuesday, May 29, 2007

Etre un «clandestin»

l'histoire d'un "clandestin" se résume à la misère d'une condition, l'espoir d'une nouvelle vie, l'arrivée dans un pays fantasmé, la brutalité des lois. Chaque vie a droit à une part clandestine, hors de la transparence de l'état ou du marché, chacun ou chacune a droit à son jardin secret, mais personne ne tient à cultiver dans l'angoisse. Or chez celui et celle qui ne l'a pas choisie, la clandestinité est une angoisse permanente.
Etre "clandestin" c'est se trouver ravalé à la seule condition d'individu qui a franchi de façon illégale des frontières, cependant que les causes de cet acte, souvent indispensable à la préservation de l'intégrité physique et psychologique de son auteur, sont placées hors champ. Etre un «clandestin», ici, c'est être sans histoire personnelle, sans passé, sans antécédent, sans autre antécédent du moins que la violation des dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers. Au terme de ce mouvement, il n'y a donc plus ni hommes ni femmes fuyant des conditions d'existence jugées insupportables par eux, mais seulement des «Africains» et des «Maghrébins», qui, par l'argent, la ruse et le recours à des passeurs, ont réussi à déjouer les mesures destinées à contrôler l'accès au territoire national. La surexposition langagière, politique et médiatique du «clandestin» est au coeur de deux phénomènes politiques distincts mais étroitement articulés : la criminalisation de ce type d'immigration, présentée comme un danger majeur ; et la légitimation de l'ensemble de la chaîne répressive, des arrestations aux expulsions en passant par l'incarcération et le placement en zone de rétention.Souvent euphémisée en «retour dans le pays d'origine», l'expulsion par voie aérienne constitue la dernière et la plus spectaculaire de ces étapes. De là le recours aux charters, qui permettent de procéder à des reconduites massives et spectaculaires d'étrangers en situation irrégulière dans leur pays d'origine. De telles pratiques, rappelle Alvaro Gil-Robles, commissaire européen aux Droits de l'homme, ont «pourtant été fortement critiquées par la Commission nationale de déontologie et de sécurité et jugées contraires au droit français par le Conseil d'Etat». Au nom de l'urgence et de la gravité supposées de la situation provoquée par les «clandestins», on assiste donc au triomphe de la raison d'Etat sur des principes pourtant jugés essentiels au bon fonctionnement de l'Etat de droit. Enfin, contrairement à la convention des Nations unies relative aux
droits de l'enfant et à la loi française qui /«précise que l'étranger mineur ne peut pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière» /(article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile), des enfants sont placés en centre de rétention en vue de leur expulsion.
De quel côté est la raison ? Celui de l’Etat et du droit légitimes en
démocratie ou celui de la résistance à des dérives politiques, parfois
catastrophiques, dont l’histoire nous enseigne le caractère récurrent y
compris en régimes démocratiques ?