Friday, September 02, 2005

Citoyenneté et démocratie!

La citoyenneté de résidence à l'épreuve
Comment ouvrir le champ politique à celles et ceux que ses règles excluent dans leur état actuel? Comment des populations démunies de citoyenneté pourraient-elles avoir accès à la représentation politique, à la délibération? Tel est le paradoxe devant lequel se trouvent, aujourd'hui encore en France, les étrangers ressortissants de pays extérieurs à l'Union européenne et les français qui avec eux militent pour le droit de vote de tous les étrangers. Cette revendication pose un problème particulier dans un pays comme la France pour deux raisons liées à la représentation nationaliste qu'elle se donne d'elle-même, à savoir sa centralisation et le lien qu'elle a institué entre nationalité et citoyenneté. La notion de citoyenneté de résidence, sur laquelle se fondent la plupart des mouvement militant pour le droit de vote de tous les étrangers, ouvre une voie possible de ré-définition de la citoyenneté politique, dans un contexte où la construction de l'Europe s'est accélérée, et à partir d'arguments renvoyant l'histoire française de la période révolutionnaire. Donner son plein sens à la citoyenneté de résidence, c'est non seulement inclure des exclus du jeu politique, mais c'est modifier la légitimité de la citoyenneté politique pour lui proposer un autre fondement commun.
Cette citoyenneté dont il est question n'est donc pas un statut juridique. C'est n'est pas non plus vraiment une identité. Il s'agirait plutôt d'une pratique: la participation politique!
Pour ainsi réfléchir à la question de citoyenneté, je partirai d'une définition inspirée de sources très différentes.
Etre citoyen, c'est:

1) Se sentir membre d'une communauté dont on partage les valeurs, accepter le pacte social, plus ou moins explicite, qui lie entre eux les membres de cette communauté par des obligations et des droits (Le Pors, 1999: 7).

2) Disposer de la possibilité effective d'exercer sa citoyenneté, c'est à dire jouir des libertés individuelles et collectives et être dans une situation matérielle, économique et sociale propice à l'exercice de la citoyenneté (T.H. Marshall, in Kymlicka, 1992: 2).

3) Lorsqu'on dispose de cette possibilité, l'exercer vraiment, c'est à dire participer d'une manière ou d'une autre à la vie de la communauté, sur les plans: local, régional ou/ et national (non seulement payer ses impôts et voter, mais aussi être actif dans une association, un syndicat, un parti, sur le lieu de travail, etc.: c'est la citoyenneté participative


L’état moderne est à la fois garantie de liberté et de sûreté, dans la mesure où il est le lieu de référence et parfois d’exercice de la citoyenneté et, parce qu’il est la continuation, la persistance d’un certain type de relation politique, il est et tend constamment à redevenir le relais de domination, d’oppression et de mise en condition idéologique (diffusion et rediffusion d’idéologie liées à la catégorie ou la classe dominante).
Dans ces conditions, parler, par exemple, de « transition démocratique » en cherchant quel rapport cela peut avoir avec une mutation sociale de longue durée n’est en réalité possible que si l’on remet entièrement en chantier la réflexion sur le caractère binaire de l’état moderne.

Inventée en Europe il y a plus de deux siècles la notion moderne de « citoyen » n’est saisissable qu’en mettant en évidence une « co-action » de l’état « historique » ou, disons, wébéro-marxien, et de l’état de droit, plus directement lié à l’éthique et à la pratique de la liberté. Avec la grande régression des pratiques démocratiques représentatives pluralistes représentée d’une part par l’instauration d’états issus de la « dictature du prolétariat » et d’autre part, par l’étatisme militariste et nationaliste (ce que Polanyi, dès 1945, décrivait comme la Grande Transformation intéressant une quinzaine de pays fascistes), qui devait bientôt être suivi, dans les grandes nations démocratiques par le « présidentialisme » et le bi-partisme », il était impossible de refuser un réexamen de la relation-coupure état/société civile proposée par Hegel ou plus exactement prétendument attribuée à Hegel, alors qu’il est patent que, parce qu’il est d’abord fondateur de la démarche anthropologique, ce dernier a montré que le politique, comme pratique, prend effectivement naissance dans le tissu social lui-même. Des séances ont été consacrées non seulement à Hegel. Principes de la philosophie du droit (et surtout à l’introduction de Jean Hypolite qui situe très bien la question de l’anthropologie) mais également, en partant de Eugène Fleischmann, la Philosophie politique de Hegel, à des notions très importantes avancées par Jügen Habermas dans son essai « Morale et communication ». Ainsi se dégagerait l’aspect essentiel de la citoyenneté qui ne serait pas une conformité mais le rôle actif et vigilant du citoyen. L’étatisme, surtout au XXe siècle, a porté tort à cette notion. Au cours des précédentes années, et contrairement à la demande « économisciste » qui tend à prédominer, on avait tenté de repérer, dans les littératures et les tentatives d’explication pour rendre compte des relations entre mutations sociales de longue durée et succession plus ou moins rapide ou rapprochée d’une part de « crises économiques » et d’autre part de « crises économico-politiques ». Parti du libéralisme, le régime bourgeois, tout en ouvrant la voie à l’expression démocratique égalitaire et pluraliste, avec exercice du « recours », y compris contre le pouvoir d’état (même si la « raison d’état » n’a jamais complètement disparu), s’est profondément transformé en autoritarisme avec le développement des idéologies du « tout état ».

Pour les catégories mal représentées ou non-représentées au pouvoir (les « classes dominées », « les exclus » ) la démocratisation peut, à certaines conditions, apparaître comme un instrument d’émancipation. Alors que pour les catégories déjà favorisées ou installées au pouvoir, les pratiques démocratiques s’avèrent être empiriquement des instruments de régulation. Dans les « pays du Nord », la démocratie devient, à partir d’un certain moment, une forme politique indispensable à la régulation et à l’atténuation provisoire des conflits.

Aujourd’hui, l’enjeu démocratique est ouvert pour les « classes dominées ». elles peuvent espérer gravir les échelons du pouvoir d’Etat mais à deux conditions : créer d’abord des contre-pouvoirs solides, ancrés dans le tissu social, capables de tenir tête aux médias (lesquels ? comment ?)et, plus encore, mettre en place des systèmes d’intervention et de gestion qui se substituent progressivement aux « professionnels de la politique ».