Tuesday, August 23, 2005

Le socialisme utopique: volonté de libérer la société de toute autorité gouvernementale!

Contribution à une réflexion significative sur les sociétés contemporaines

La société, c’est l’ensemble social dans lequel nous vivons. Ses contours sont assez imprécis : s’agit-il du pays ou l’on vit, de la partie du monde qui possède le même type d’organisation sociale (la société occidentale), du monde entier à l’époque contemporaine ? Quant à une société, il s’agit d’un groupe social manifestant une certaine permanence historique et présentant un ensemble d’habitudes de comportement et de pensée fortement reliées entre elles, et pouvant donner lieu à ce qu’on appelle une culture…On peut donc dire que le social ne se contente pas d’expliquer le social, mais aussi que le social engendre le social. Les rapports que les individus nouent entre eux constituent le social qui, à son tour, induit des rapports entre les individus. Comprendre un phénomène social, économique ou politique revient à déchiffrer sa « raison culturelle », en définitive, « c’est la culture qui constitue l’utilité ».

Dans le cadre de la réflexion sur les sociétés contemporaines, abordés en histoire, en philosophie et en sociologie contemporaine, l’accent est mis sur le sens de la réalité sociale, l’affrontement entre espaces publics et espaces économiques, entre mouvements sociaux et mouvements politiques.

L’individu et la société
L’occident n’impose-t-il pas au reste du monde sa propre définition des droits de l’homme et de la démocratie ? La culture africaine est-elle compatible avec le multipartisme ? L’islam est-il un obstacle insurmontable à l’intégration des arabes en Europe de l’Ouest ?
Comment redonner de l’élan à la démocratie, au pluralisme, aux droits des libertés, en les mettant à l’abri de toute entreprise totalitaire ? Comment garantir égalité des chances et justice sociale, assurer à chacun la sécurité à laquelle il a droit, sans pour autant niveler par le bas et décourager l’initiative ? Comment ériger la satisfaction des besoins sociaux fondamentaux en priorité d’une économie dont il convient évidemment de ne pas casser le développement ? Comment dégager les ressources nécessaires à un équilibre inédit entre travail, formation, vie familiale, vie associative et loisirs dans un temps enfin libéré ? Comment se préparer à une répartition des richesses qui, à l’échelle du monde, respecte le droit de tous les peuples au développement ? Comment concevoir le rôle de l’état au service de tous ces objectifs, tout en construisant l’autonomie de chaque citoyen, de collectivité locale à son égard ? Bref, comment réinventer le rapport entre individu et société ? Des questions, parmi tant d’autres, auxquelles il faut répondre…

Comme les controverses sont des bons supports empiriques pour la compréhension d’un trait de l’état présent des démocraties modernes, l’analyse sociologique que nous proposerons s’appuiera sur trois caractéristiques de la controverse :
- Elle est une forme de mobilisation et d’action collective ;
- Elle est une suite d’interactions entre médias et protagonistes de la polémique ;
- Elle exige de penser l’articulation entre deux modèles habituellement opposés, le débat et le combat, ce qui nous amènera a analyser les conceptions du genre, les rapports entre égalités et différence.
Nous examinerons ce que produisent les changements d’échelle, en suivant notamment la construction des causes internationales.
En interrogeant les différentes modèles de transformation utilisables en sociologie contemporaine, nous étudierons les effets que produit la mobilisation d’instances internationales sur les « objets » les « réseaux » et les « milieux » auxquels se trouvent confrontés les acteurs.

Bien commun
Les citoyens sont-ils condamnés à demeurer enfermés dans l’actuel périmètre de l’horreur économique sans possibilité de réagir ? Existe-il d’autres pistes à explorer pour que l’humanité retrouve le sens du bien commun ?
Ces évidences ont été nourries par des « boîtes à idée » publiques et privées, comme la fondation Saint Simon en France, qui servait de pont entre droite et gauche, sous l’impulsion de François Furet, Pierre Rosavallon, Alain Minc, Emmanuel Le Roy Ladurie, Pierre Nora, Simon Nora, et Roger Fauroux. Ce dernier raconte : « nous avons pensé qu’il fallait que le monde de l’entreprise et celui de l’université se rencontrent (…). Nous sommes rapidement arrivés à la conclusion que ces rencontres ne pouvaient être fécondes et durables que si nous avions des actions concrètes à mener, ce qui exigeait un cadre juridique et de l’argent. Alors nous avons cherché des adhérents, d’où un aspect club. Chacun a rassemblé ses amis. François Furet et Pierre Rosanvallon dans l’université, Alain Minc et moi dans le monde de l’entreprise ».

Le club Jean Moulin, qui, à l’époque du gaullisme, regroupa syndicalistes, hauts fonctionnaires et intellectuels, fait figure de référence, au moins au départ. Roger Fauroux explique en effet que Jean Moulin avait « pratiquement fait passer toutes ses propositions en douceur, par les gouvernements soit de droite, soit de gauche . La fondation Saint Simon serait un projet intellectuel de réforme de la société porté par des « élites » prétendant incarner le « bien commun ». Mais, qu’en est-il aujourd’hui ?

Après l’Etat-nation et l’Etat-providence, c’est la citoyenneté elle-même qui est menacée de démantèlement au nom des impératifs du marché. L’entreprise de démolition s’attaque en fait à l’ensemble de la civilisation sociale bâtie au cours des XIXe et XXe siècles. Un sursaut collectif devient indispensable…
Après la nécessaire période d’observation et d’identification des problèmes actuels, accentués par la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’union soviétique, la critique s’est accentuée (description de la « pensée unique », des régimes « globalitaires », de la financiarisation de l’économie, du largage du sud, de la précarisation généralisée, des manipulations des esprits, etc.) Des informations de première importance, occultées par les grands médias, ont ainsi pu parvenir à un large public. Mais la critique, aussi constructive qu’elle soit, ne peut être permanente. Au risque de paraître répétitive et vaine. L’heure des propositions n’est-elle pas arrivée ? Mais avant, analysons les figures du pensable de Cornelius Castoriadis (philosophe qui a pensé l’imagination comme faculté politique). Cet ultime volume permet d’appréhender l’unité et l’originalité de la pensée de l’auteur à travers les différents champs dans lesquels elle se distribue : la poétique, l’économie, la politique, la psychanalyse et la logique.
Fondamentalement politique, cette philosophie est une théorie de l’imagination : l’imagination radicale est ce qui différencie l’homme des autres animaux à tel point que « les êtres humains se définissent avant tout non par le fait qu’ils sont raisonnables, mais par le fait qu’ils sont pourvus d’une imagination radicale ». L’imagination se situe à la racine de l’humain : sociétés, institutions, normes politiques et morales, philosophie, œuvres esthétiques.
Une grande idée s’articule à cette radicalité de l’imagination : les hommes et les sociétés sont des autocréations. La plupart des civilisations sont hétéronomes en masquant cet auto-engendrement. Quelques-unes ont pris le risque de l’autonomie. C’est dans la Grèce ancienne que, pour la première fois, les hommes se sont aperçus de l’origine simplement humaine des grandes significations (imaginaires) qui structurent la sociale ; de cette découverte, véritable « rupture historique », jaillirent la politique (« la mise en question des institutions existantes et leur changement par une action collective délibérée ») et la philosophie (« la mise en question des représentations et des significations instituées et leur changement par l’activité réflexive de la pensée »). La démocratie est la possibilité politique ouverte par cette rupture ; mais, étant contrainte d’inventer en toute connaissance de cause ses propres lois (de s’autolimiter), elle est un régime tragique, hanté par la remise en cause permanente de ses institutions. L’Europe post-médiévale a pris le relais de la découverte grecque de l’autonomie.

L’idéal démocratique est menacé par le capitalisme. La créativité politique semble aujourd’hui en panne. Tout se passe comme si l’imaginaire constitué par le capitalisme avait durablement bloqué l’imagination radicale créatrice. Cet extraordinaire ouvrage nous laisse devant un énigme : l’homme du début du XXIe siècle trouvera-t-il les ressources pour s’émanciper du capitalisme, reprenant les chemins de l’autonomie, ou bien continuera-t-il d’être englué dans ce « conformisme généralisé » qui caractérise nos temps de « privatisation de l’individu » ? faculté politique, l’imagination va-t-elle se remettre en marche ?

Interrogations contemporaines
La pensée contemporaine est hantée par l’absence d’absolu. Comment définir des fondements assurés pour la science, la morale, la politique, le droit, la justice…si l’on ne dispose pas d’un principe premier qui permet de les justifier ?

La crise de la raison
En philosophie, le XXe siècle peut être qualifié comme celui de la crise de la raison . Après que le mathématicien Kurt Gödel et son théorème d’incomplétude a ruiné l’idée de construire un langage logique totalement clos, que le physicien Heisenberg a montré que l’on ne peut isoler l’observateur et le phénomène observé, Karl Popper nous a convaincu qu’une théorie scientifique n’est pas celle qui dit une vérité définitive, mais celle qui accepte au contraire d’être soumise au principe de réfutation. Parallèlement, les philosophes de la déconstruction (Michel Foucault ou Jacques Derrida) se sont employé à montrer la vanité des grands discours et des modèles qui prétendent à l’universalité.
Dès lors, fallait-il céder au relativisme, au scepticisme, au nihilisme, au vagabondage intellectuel ? Ce n’est pas la voie qu’empruntent la plupart des auteurs contemporains. Un des défis majeurs de la pensée actuelle consiste pour l’essentiel à essayer de surmonter la « crise des fondements » sans céder à l’irrationalisme.

Pragmatisme, communication et complexité
S’il faut prendre acte de la crise de la raison absolue, il reste à trouver, selon Jürgen Habermas (théorie de l’agir communicationnel), les conditions d’un dialogue commun entre les hommes, fondé sur des principes communs d’argumentation. Pour Richard Rorty, c’est la libre discussion critique qui doit prendre le pas sur la recherche de la vérité ultime (l’espoir au lieu du savoir). Pour Edgar Morin (la méthode) la pensée de la complexité ouvre la voie à une pensée authentique, affranchie du dogme de la vérité absolue. Bref, c’est la voie d’un nouveau rationalisme, à la fois ouvert et critique que beaucoup de penseurs actuels s’attachent à tracer. La pensée y gagne en ouverture, elle y perd en assurance.

A la recherche d’un nouvel humanisme
Sur le plan moral, là encore, les philosophes sont soumis a ce défi : donner les assises d’une éthique, d’une justice, d’un droit, qui n’ait plus de fondement absolus.

En effet, on ne peut trouver ni en Dieu, ni dans la nature ou la raison les sources ultimes de la morale sur quoi justifier l’humanisme, les droits de l’homme, la justice.

Mais on trouve chez les auteurs aussi différents que Hans Jonas (le principe responsabilité), J.M. Besnier (l’humanisme déchiré)… une même quête : celle d’un espoir raisonnable qui aurait fait le deuil d’un idéal utopique.
Des sciences de l’esprit à la philosophie du droit

La question des fondements de la pensée ou de la morale est loin d’épuiser la réflexion philosophique contemporaine. Les débats sont riches et sans cesse renouvelés autour des sciences de l’esprit par exemple. Si le temps des grands systèmes est clos, les philosophes n’ont pas pour autant renoncé à penser. La postmodernité, la bioéthique, les droits de l’homme, la démocratie, le bonheur, la quête de sens ou les développements de la science contemporaine offrent encore des thèmes de réflexion pour une pensée en plein renouvellement.

Mutation du monde
En octobre 1917, dix jours suffirent à la révolution bolchévique pour « ébranler le monde ». Pour la première fois, le rouleau compresseur du capitalisme était durablement stoppé.
L’essor du capitalisme avait été stimulé par les travaux de grands théoriciens (Adam Smith, David Ricardo), par de décisives avancées technologiques (machine à vapeur, chemin de fer) et par des bouleversements géopolitiques (Empire Britannique, renaissance de l’Allemagne, puissance des Etats-Unis). Tout cela conjugué avait produit la première révolution capitaliste ; laquelle favorisa une considérable expansion, mais écrasait les hommes, comme en témoignèrent Charles Dickens, Emile Zola ou Jack London.

Comment tirer collectivement profit de la formidable richesse produite par l’industrialisation, tout en évitant que les citoyens ne soient broyés ? C’est à cette question que répondra Karl Marx, dans son œuvre majeure, le Capital (1867). Il faudra attendre cinquante ans pour qu’un stratège de génie, Lénine, parvienne à conquérir le pouvoir en Russie dans l’espoir messianique de libérer les « prolétaires de tous les pays ».

Quatre vingt ans plus tard, l’Union soviétique a fait naufrage, et le monde connaît une nouvelle grande mutation, que nous pourrions appeler la seconde révolution capitaliste. Elle résulte, comme la première, de la convergence d’un faisceau de transformations survenues dans trois champs :
- En premier lieu, dans le domaine technologique. L’informatisation de tous les secteurs d’activités ainsi que le passage au numérique (son, texte et images désormais transmis, presque instantanément, au moyen d’un code unique) bouleversent le travail, l’éducation, les loisirs, etc…
- En deuxième lieu, dans le domaine économique. Les nouvelles technologies favorisent l’expansion de la sphère financière. Elles stimulent les activités possédant quatre qualités : planétaire, permanente, immédiate et immatérielle. Le « big-bang » des bourses et la déréglementation, encouragée dans les années quatre vingt par Margaret Thatcher et Ronald Reagan, ont favorisé la mondialisation de l’économie, qui constitue la dynamique principale du tournant du siècle et à l’influence de laquelle nul pays n’échappe.

La révolution informatique a fait éclater la société contemporaine ; elle a bouleversée la circulation des biens et favorisé l’expansion de l’économie informationnelle et la mondialisation. Celle-ci n’a pas encore fait basculer tous les pays du monde dans une société unique, mais elle pousse à la conversion de tous vers un modèle économique unique par la mise en réseau de la planète. Elle crée une sorte de lien social libéral entièrement constitué par des réseaux, séparant l’humanité en individus isolés les uns des autres dans un univers hyper-technologique.
- En troisième lieu, dans le domaine politique, les deux bouleversements précédents mettent à mal les prérogatives traditionnelles de l’Etat-nation et ruinent une certaine conception de la représentation politique et du pouvoir. Celui-ci, naguère hiérarchique, vertical et autoritaire, apparaît de plus en plus structuré en réseaux, horizontal et grâce à la manipulation des esprits permettent les grands médias de masse-consensuel.

Déboussolées, les sociétés sont désespérément en quête de sens et de modèles, car ces trois grands changements se produisent simultanément, ce qui accentue l’effet de choc.

En même temps, deux des piliers sur lesquels reposaient les démocraties modernes, le progrès et la cohésion sociale, sont remplacés par deux autres, la communication et le marché qui en changent la nature.

La communication, première superstition du temps présent, nous est proposée comme étant susceptible de tout régler, en particulier les conflits au sein de la famille, de l’école, de l’entreprise ou de l’état. Elle serait la grande pacificatrice. Pourtant, on commence à soupçonner que son abondance même cause une nouvelle forme d’aliénation et que, au lieu de libérer, ses excès incarcèrent l’esprit.

Le marché a désormais tendance à inonder toutes les activités humaines, à les réglementer. Naguère, certains domaines : culture, sport, religion demeuraient hors de sa portée ; maintenant, ils sont absorbés par sa sphère. Les gouvernements s’en remettent de plus en plus à lui (abandon des secteurs d’Etats, privatisations).

Le marché est l’adversaire majeur de la cohésion sociale et de la cohésion mondiale, car sa logique veut qu’une société se divise en deux groupes : les solvables et les non solvables. Ces derniers ne l’intéressent guère : ils sont hors jeu.
Le marché est, intrinsèquement producteur d’inégalités.
Il y a soixante millions de pauvres aux Etats-Unis, le pays le plus riche du monde. Plus de cinquante millions au sein de l’Union Européenne, première puissance commerciale. Au Etats-Unis, 1% de la population possède 39% de la richesse du pays. Et, à l’échelle planétaire, la fortune des 358 personnes les plus riches, milliardaires en dollars, est supérieure au revenu annuel des 45% d’habitants les plus pauvres, soit 2,6 milliards de personnes…

La logique de la compétitivité a été élevée au rang d’impératif naturel de la société. Elle conduit à faire perdre le sens du « vivre ensemble », le sens du « bien commun ». Tandis que la redistribution des gains de productivité se fait en faveur du capital et détriment du travail, que le coût de la solidarité est considéré comme insupportable et que l’édifice de l’Etat-providence est mis à bas .
Tous ces changements structurels et conceptuels, à l’œuvre depuis une dizaine d’années, ont produit un authentique éclatement du monde.

Des concepts géopolitiques comme état, pouvoir, démocratie, frontière n’ont plus la même signification. Au point que, si l’on observe le fonctionnement réel de la vie internationale, on constate que ces acteurs ont changé.
Beaucoup se demandent comment penser le futur. Et expriment le besoin d’une nouvelle rationnalisation du monde. Ils attendent une sorte de prophétie politique, un projet réfléchi de l’avenir, la promesse d’une société réconciliée en pleine harmonie avec elle-même.

Mais y-a-t-il un espace, aujourd’hui, entre les ruines de l’Union soviétique et les décombres de nos sociétés déstructurées par la barbarie néolibérales ?
Cela semble peu vraisemblable, parce la méfiance à l’égard des grands projets politiques s’est généralisée et que l’on vit, en même temps, une grave crise de représentation politique, un énorme discrédit des élites technocratiques et des intellectuels médiatiques, et une rupture profonde entre les grands médias et leur public.

Beaucoup de citoyens souhaiteraient introduire une graine d’humanité dans la barbare machinerie néolibérale ; ils sont à la recherche d’une implication responsable, éprouvant un désir d’action collective. Ils voudraient affronter des responsables bien identifiés, sur lesquels déverser leurs reproches, leurs inquiétudes, leurs angoisses et leur désarroi, alors que le pouvoir est devenu largement abstrait, invisible, lointain et impersonnel. Ils voudraient encore croire que la politique a réponse à tout, alors que la politique a de plus en plus de mal à fournir des réponses simples et claires aux problèmes complexe de la société.

Chacun ressent pourtant, comme rempart contre la déferlante néolibérale, la nécessité d’un contre-projet, d’une contre-idéologie, d’un édifice conceptuel pouvant être opposé au modèle dominant actuel.
Mettre celui-ci sur pied n’est guère facile car, on part d’une situation de quasi-table rase, les précédentes fondées sur l’idée de progrès ayant trop souvent sombré dans l’autoritarisme, l’oppression et la manipulation des esprits.

Dans la société contemporaine, il devient indispensable, en conséquence de reintroduire du collectif porteur d’avenir . Et l’action collective passe désormais par des associations autant que des partis politiques ou les syndicats.
Les partis possèdent, entre autres, deux caractéristiques qui les rendent moins crédibles : ils généralistes (ils prétendent régler tous les problèmes de la société) et locaux (leur périmètre d’intervention s’arrête aux frontières du pays)
Les associations en revanche ont deux attributs symétriques et inversés par rapport à ceux des partis : elles sont thématiques (elles s’attaquent à un seul problème de la société : le chomage, le logement, l’environnement, la justice, l’égalité etc.) et transfrontières, leur aire d’intervention s’étend sur toute la planète (Act-up, Agir contre le chômage(AC), droit au logement (DAL), Green-peace, Amnesty international, Attac, Médecin du Monde, transparency, (World Wild life).

Si les associations naissent à la base, témoignant de la richesse de la société civile, et pallient les déficiences du syndicalisme et des partis, elles ne sont parfois que de simples groupes de pression et manquent de la légitimité démocratique de l’élection pour faire aboutir leurs revendications. Le politique prend à un moment ou à un autre le relais. Il est donc capital que le lien entre associations et partis se fasse.

Ces associations continuent de croire qu’il est possible, en se fondant sur une conception radicale de la démocratie, de transformer le monde. Elles constituent sans doute les lieux d’une renaissance de l’action politique en Europe et pourquoi pas dans le reste du monde.
Pour rétablir l’ONU (Organisation des Nations Unies) au cœur du dispositif du droit international, une ONG (organisation non gouvernementale) capable de décider, d’agir et d’imposer un projet de paix perpétuelle ; pour conforter des tribunaux internationaux qui jugeront les crimes contre l’humanité, contre la démocratie et contre le bien commun ; pour interdire les manipulations de masses ; pour mettre en terme à la discrimination des femmes ; pour rétablir de nouveaux droits à caractère écologique ; pour instaurer le principe du développement durable ; pour interdire l’existence des paradis fiscaux ; pour encourager une économie solidaire etc.
« Dans les chemins que nul n’a foulés risque tes pas, dans les pensées que nul n’a pensées risque ta tête », pouvait-on lire sur les murs du théâtre de l’odéon, à Paris, en mai 1968. Si nous voulons fonder une éthique du futur, la situation actuelle invite aux mêmes audaces.

Le virage social des ONG des droits de l’homme
Amnesty International s’engage dans la défense des droits économiques
Réuni à Dakar le 17 août, le 25e conseil international (AI) devrait entériner une modification de ses statuts afin de ne plus se cantonner à la défense des seuls droits civils et politiques, mais d’embrasser aussi les « droits économiques, culturels et sociaux ».

Extension naturelle
L’exercice s’annonce long et délicat. Car la focale de l’objectif s’élargit. Potentiellement, AI, et son million de membres présents dans 162 pays, pourrait se pencher sur le droit à la santé (et intégrer, par exemple, les campagnes pour l’accès aux médicaments antisida) ; faire du lobbying sur le droit à l’éducation (dénoncer les conséquences des plans d’ajustements structuraux de la Banque mondiale ou du FMI ; englober la pauvreté qui se traduit par la violation concrète des droits humains ; mener des actions contre les multinationales qui se compromettent avec des régimes répressifs ; ou les pousser à incorporer des codes éthiques.

Le 30 mai 2001, le rapport annuel d’AI s’articulait autour de la mondialisation. Son président de l’époque, Pierre Sané, concluait : « l’organisation ne peut se limiter à la défense des seuls droits civils et politiques, mais porter sur l’ensemble des droits fondamentaux de la personne humaine».

Ralliement
Amnesty International n’est pas la seule ONG des droits de l’homme à avoir fait cet aggiornamento. La LDH (Ligue des droits de l’Homme), la FIDH (fédération internationale des droits de l’homme), dénonçait, en 1997, à Dakar, l’illégitimité de la Banque mondiale et du FMI. L’organisation américaine Human Rights Watch (HRW), qui ne travaille qu’avec des experts, a créé, elle aussi, un bureau « business et droits de l’homme » en 1997, au moment où elle dénonçait les « dérives », par exemple, de British Petroleum en Colombie.

La FIDH (114 ligues, 1millions de membres) est présente à tous les sommets de contestation depuis l’AMI (Accord Multilatéral sur l’Investissement) en 1998. Elle multiplie les enquêtes sur les institutions financières, sociétés transnationales ou accords du commerce et leur impact sur les « droits humains ».

Enquête et contrôle.
Le déclic de la FIDH remonte à 1995. Elle livre alors un réquisitoire implacable contre Total en Birmanie. L’ONG a eu le sentiment de « frapper juste ». Du coup, elle a mis des avocats et économistes sur le dossier de la mondialisation. En 2000, la FIDH est arrivée à Prague, lors de la réunion FMI-Banque mondiale, avec un autre rapport sur le très controversé pipeline Tchad-Cameroun sur lequel elle a travaillé avec HRW et les amis de la terre. La Banque, depuis, sollicite régulièrement son avis. La FIDH ne se place pas seulement dans le registre de la confrontation. Il y a trois ans, elle a mis en place « un mécanisme de contrôle » avec Carrefour, afin de procéder à une centaine d’audit sur les conditions de travail de ses filiales textiles.

De la morale au droit
En dépit de leur crainte de « la récupération », les mouvements de la contestation voient plutôt d’un bon œil l’arrivée des ONG des droits de l’homme sur leur secteur. « les contestateurs comprennent les vertus du prisme des droits de l’homme, dit Francis Perrin, d’Amnesty. Le droit fait changer la nature du débat : de morale ou politique, elle devient juridique. On pourrait envisager des actions coordonnées avec les Anti. ». Un responsable d’Attac résume : « Avant, quand on rencontrait des militants des droits de l’homme, on avait peu de choses à leur dire. Désormais, c’est différent. La stratégie de maillage international, de nouvelles solidarités, joue à plein. » Les passerelles se constituent entre syndicats, écologistes, mouvements de solidarité.

Se donner de nouveaux outils d’analyse
Promouvoir des instruments de mesure comme celui du développement humain, créé par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) ; distinguer, par exemple, les richesses premières (ressources anthropologiques et ressources écologiques) et les richesses dérivées, qui supposent l’existence des précédentes ; créer un « indicateur de destruction » pour faire apparaître dans une rubrique négative ce qui détruit les humains et la nature (accidents, pollution, etc.), tout en contribuant au PIB ; à l’inverse, faire apparaître les non-dépenses dues à la prévention. Bref, reconstruire le champ de l’économie à partir d’un lexique qui lui donne du sens en ne réduisant pas la personne humaine à une valeur comptable. Un chantier urgent pour les économistes non englués dans le conformisme libéral.

Empêcher le dévoiement du multimédia
L’explosion des nouvelles technologies de l’information et de la communication, avec Internet pour emblème, est entrain de créer une « société de l’information » au service exclusif du commerce, du pouvoir des groupes géants et de l’hégémonie américaine. Le citoyen en est largement exclu. Or ces technologies, qui interviennent dans la quasi-totalité des activités humaines, ne sont neutres : elles structurent les manières d’apprendre, de penser, de produire, d’échanger, de décider et de représenter le monde. Les pouvoirs publics doivent donc faire de leur appropriation sociale une des bases de l’éducation civique de l’ensemble de la population. Et, pour cela, mettre à contribution les grandes sociétés du secteur, au lieu de leur livrer clés en main l’accès aux établissements scolaires. Cette taxation freinera la diffusion du multimédia, provoquera des retards.

Garantir un revenu à tous
La mutation informationnelle permet de produire toujours plus de biens et de services avec toujours moins de travail humain. Ce qui devrait être une bonne nouvelle sert trop souvent de justification à la mise à l’écart de pans entiers de la population. Il faut inverser cette logique, retourner les armes du (reconfiguration) au service des citoyens. Se demander d’abord quelle société nous voulons et utiliser les nombreux outils disponibles, en premier lieu les outils politiques et technologiques, pour lui donner vie. Oui, il est financièrement et techniquement possible de donner à chacun cette sécurité personnelle minimale qu’est la garantie d’un revenu décent et de prestations sociales fondamentales, indépendamment de l’occupation d’un emploi.
Nouvelle distribution du travail et des revenus dans une économie plurielle dans laquelle le marché occupera seulement une partie de la place, avec un secteur solidaire et un temps libéré de plus en plus importants.

Donner sa place au Sud
Donner sa place au Sud, c’est mettre fin aux politiques d’ajustement structurel ; annuler une grande partie de la dette publique ; augmenter l’aide au développement, alors qu’elle est en chute libre ; promouvoir, notamment par le co-développement, des économies autocentrées ou en tout cas moins extroverties, seules garantes d’une croissance saine et de la sécurité alimentaire ; investir massivement dans la construction d’écoles, de logements et de centres de santé ; donner accès à l’eau potable au milliard d’humains dépourvus, etc.

Construire un espace public planétaire
Si la nation est le seul cadre dans lequel les citoyens peuvent effectivement exercer l’intégralité de leurs droits démocratiques, du moins quand ils en ont, la globalisation des problèmes à régler et celle des acteurs dominants (marchés financiers, entreprises transnationale) imposent des régulations à l’échelle mondiale. C’est le rôle théorique des organisations internationales et des agences intergouvernementale, dont les pouvoirs doivent être renforcés.

Désarmer le pouvoir financier
L’indispensable retour au primat du politique et des droits des citoyens implique une reconquête des espaces perdus au profit de la sphère financière. Certains des moyens à utiliser sont bien connus : taxation significative du capital, des revenus financiers et des transactions sur les marchés des changes (taxe Tobin).
Interdiction, pour les entreprises publiques et parapubliques, d’ouvrir des comptes dans des banques ayant des succursales dans des paradis fiscaux, dont la liste devra être régulièrement mise à jour et largement diffusée. Campagne internationales auprès des actionnaires des entreprises privées en vue du même objectif. Exigence de la levée du secret bancaire, en particulier en Suisse et au Luxembourg. Refus des fonds de pension comme solution de rechange aux systèmes de retraite par répartition. C’est sur ces thèmes que doit travailler (…).

L’anti-mondialisation
Les anti-mondialistes n’ont pas tort lorsqu’ils disent que le grand problème posé au nantis du XXIe siècle sera la misère des nations prolétaires. Le capitalisme a toujours eu ses laissé-pour-compte. Et il y a toujours eu, à chaque étape de son développement, des contre-pouvoirs qui l’ont contraint à prendre en compte ces incomptés.
Pourquoi l’époque ferait-elle exception ? Pourquoi le nouvel empire mondial saurait-il, mieux que ses prédécesseurs, et sans rapport de forces l’y obligeant, réguler ses effets pervers ? Pourquoi ne pas savoir gré à Attac d’incarner ce rapport de forces et de forcer le club des puissants à considérer les deux milliards d’hommes et de femmes qui vivent avec moins de dix francs par jour ?
Les anti-mondialistes n’ont pas tort quand ils proposent, au titre des mesures d’urgence, d’annuler purement et simplement la dette des pays les plus pauvres. Cette dette, généralement contractée par des dictateurs déchus, ces sommes colossales, prêtées avec une légèreté coupable, et dont l’essentiel est allé grossir les comptes numérotés des dictateurs en question, saigne les peuples. Elle les étrangle. Elle n’a, dans des pays dont la moitié du budget sert à la rembourser, plus aucun sens économique depuis longtemps. Il est, non seulement juste, mais techniquement possible d’effacer la dette.

Les anti-mondialistes n’ont pas tort quand, pour lutter contre les effets dévastateurs de la spéculation sur les monnaies, ils appellent à l’instauration d’un impôt mondial type « taxe », de faible montant, assis sur les mouvements internationaux de capitaux à court terme, et dont le produit serait affecté à un fond d’aide aux pays les plus démunis.

Les anti-mondialistes ont raison quand, face aux grandes épidémies du siècle, ils hurlent que les maladies sont au Sud, mais que les médicaments sont au Nord et qu’annoncer, comme à Gênes, la création d’un fond de santé doté de moins du dixième des ressources réclamées.
Les anti-mondialistes ont raison, enfin, de se battre pour que soient soustraits à la seule logique marchande ces »biens communs » que sont le climat, la santé, la sécurité alimentaire, les gênes, peut-être la culture.

Bibliographies et sources documentaires
Gérard, Duménil et Dominique Lévy,au-delà du capitalisme, PUF, coll. « Actuel Marx-confrontation », Paris, 1998.

François Furet, le passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XXe siècle, Robert-Laffont-Camann-Lévy, Paris, 1995.

Karl Marx, le capital, critique de l’économie politique, livre premier, tome I Editions des Sciences Sociales, Paris, 1962.

Jean-François Bayart, l’illusion identitaire, fayard, Paris, 1996.

François Hartog,« Temps et histoire. Comment écrire l’histoire de France ? », annales, sciences sociales, EHESS, Paris, 1995.

Robert Castel, les métamorphoses de la question Sociale. Une chronique du salariat, fayard, Paris, 1995.

Giovanni, Levi, le passé lointain. Sur l’usage politique de l’histoire, in les usages politiques du passé, Edition de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris 2001.

Pierre Bourdieu, La noblesse d’état ; grandes écoles et esprits de corps, Editions de Minuit, Paris, 1989.

Pierre Rosanvallon, « malaise dans la représentation », in François Furet, Jacques Julliard.
La république du centre, la fin de l’exception française, Calmann-Lévy, Paris, 1988.

La pensée politique, co-dirigée par Marcel Gauchet, Pierre Manent et Pierre Rosanvallon et éditée aux Editions gallimard, le seuil, coll. « Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ».

Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Rapport mondial sur le développement humain, Edition Economica, Paris, 1997.